À côté des concepts traditionnels de multiculturalité,d'interculturalité,de transculturalité ou même
de communautarisme qui permettent de caractériser certaines sociétés humaines du passé ou du présent,
je propose un nouveau concept : celui d'intraculturalité.
Pour comprendre et définir ce qu'est ce nouveau concept et, ce qui le différencie du concept
voisin de créolisation, il faut, à mon avis, remonter à l'origine du peuplement de cette île. Ce
peuplement présente une certaine originalité par rapport à ce qui s'est passé dans les autres îles
ou pays faisant partie de l'empire colonial français (îles des Antilles françaises situées dans la mer
des Caraïbes ,Guyane française,îles du pacifique ou même plus près de nous l'île Maurice), mis
à part l'île Rodrigue ou l'archipel des Seychelles qui semblent présenter quelques analogies avec
la nôtre. Originalité aussi par rapport à ce qui a pu se passer dans d'autres parties du monde
faisant partie de l'empire colonial espagnol ou lusitanien (Pays d'Amérique latine et même l'île de
Cuba ou l'immense Brésil).
Le peuplement de cette île et l'histoire qui en découle est à nulle autre pareille et elle pourrait
permettre d'expliquer sans parti pris,sans œillères et d'un point de vue réunionnais le processus
de construction de ce « Vivre ensemble » enraciné et en même temps fragile face aux soubresauts
mondiaux caractérisés avant tout par la Xénophobie et les replis communautaires. Face à la
montée des différents communautarismes ethniques ou religieux attisée par les luttes de pouvoir
pour contrôler la planète et piller ses ressources ou l'esprit de revanche de ceux qui ont subi les
méfaits des différents colonialismes ou impérialismes, nous avons l'outrecuidance d'affirmer que
notre « vivre ensemble réunionnais " peut être exemplaire et qu'il préfigure ce qui pourrait être
dans un monde enfin apaisé les relations entre les hommes et les femmes qui peuplent cette
planète. Tout en étant conscient que même si nous sommes une île perdue dans le sud ouest de
l'océan indien, traditionnellement loin des foyers de guerre, nous avons quand même souvent subi
leurs conséquences néfastes pour les populations.
Aujourd'hui même si nous pouvons être fiers de ce « vivre ensemble » nous faisons partie aussi
que nous le voulions ou non d'un ensemble plus vaste dans lequel sont à l'œuvre des forces
pétries d'orgueil égoïste et de haine prônant plus l'exacerbation des différences que leur respect.
Dans le cadre de cette réflexion sur ce nouveau concept d'intraculturalité, que je propose, je tiens
aussi à préciser ce qui m'a amené à rejeter les diverses appellations données à mon île au cours
de son histoire et pourquoi j'ai préféré le nom de mascarin.
Oui, je suis un homme de Mascarin, héritier d'une histoire remplie de violences, de viols, de
dénis, d'exploitation, de déportations,d'humiliation!
Oui, je suis, comme tous mes autres compatriotes le descendant de tous ces relégués,de ces
aventuriers européens hommes ou femmes, de ces flibustiers, de ces femmes
malgaches, indiennes ou Indo-portuguaises, de ces "serviteurs malgaches" partis marron, de ces
blancs kivis partis marron eux aussi pour fuir l'oppression, sauvegarder une certaine dignité et
surtout par amour pour la liberté. Le descendant de ces premiers habitants, de ces "pionniers",
mais aussi de ceux qui sont venus après: esclaves malgaches,africains,indiens,engagés
indiens,chinois qui avec leur sueur et leur sang ont forgé l'histoire de cette île.
Ils se sont retrouvés sur Mascarin et ont fondé dans la violence et la joie, le bonheur et la souffrance ce "vivre ensemble" qui fait notre fierté. Ces vagues successives d'immigration jusqu'à nos jours n'ont fait
qu'amplifier, développer cette réalité humaine à nulle autre pareille.
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