dimanche 7 février 2016

L'école réunionnaise : une école coloniale

L'école réunionnaise : une école coloniale.
Dans les années 1970, pour la première fois dans notre histoire, un certain nombre de militants culturels réunionnais réunis dans le groupe Sarcemate, après  avoir analysé la situation réunionnaise remettent en cause dans un écrit de manière radicale l'infériorisation de la culture réunionnaise, de la langue créole et le système de diglossie .
Aujourd'hui en 2016, près de 46 ans  après, le même système perdure, même si plus d'élèves ont été scolarisés  et si plus de bâtiments scolaires ont été construits (Écoles maternelles, primaires, collèges, lycées, université). On a mis en place de beaux  décors  mais c'est toujours la même pièce qui se joue , Avec les mêmes conséquences néfastes pour l'épanouissement réel du jeune Réunionnais.
La culture réunionnaise à l'époque niée, interdite  même, a connu  certes un début de reconnaissance, mais elle reste largement marginalisée, folklorisée: la mizik pou bouzé,lo kreol pou fe ri la boush . Rien de bien sérieux ni de dangereux pour le pouvoir colonial. Aucune volonté réelle pour faire bouger les choses , Pour changer les mentalités et libérer réellement l'homme réunionnais. La loi de départementalisation  de 1946 N'ayant pas du tout éradiqué le colonialisme à la Réunion, l'école et tout ce qui a trait à l'enseignement reste encore prisonnière de ce passé colonial dans sa forme, son fonctionnement et sa fonction.
Toute société humaine développe une culture. Cette culture possède généralement une vision du monde construite elle-même à partir de « fondements structurants» la plupart du temps souterrains et donc invisibles pour le commun des mortels. Ces fondements sont le résultat des enseignements que l'homme  Tire de ses rapports avec son environnement naturel, avec les autres hommes. Ces enseignements sont aussi les produits d'une histoire, celle du groupe auquel l'homme appartient. Cette culture va traverser  les siècles par le moyen de l'éducation. Les parents vont éduquer leurs enfants, leur donner des valeurs qui sont celles du groupe auquel ils appartiennent. Cette éducation parentale va être relayée par l'éducation scolaire et l'éducation que peut donner les médias en général.
Le problème à la Réunion en particulier et dans presque tous les pays sous tutelle en général est que l'éducation parentale est différente de l'éducation apportée par l'école et les médias. La culture véhiculée par les parents s'arrête aux limites de la case, de la cour (kiltir la kaz,kiltir lakour). L'école et les médias imposent à l'enfant une culture, des modèles et des valeurs qui ne sont pas celles de ses parents et du groupe auquel appartient l'enfant. L'enfant est ainsi déstabilisé.Cette déstabilisation peut avoir des conséquences catastrophiques pour le développement intellectuel et culturel de l'enfant si en plus (et souvent c'est le cas) l'éducation de l'école et des médias s'opposent à celle des parents, la dénigrant, l'inferiorisant ( le Rouleau compresseur de  l'aliénation coloniale). Dans ce cas, plusieurs possibilités pour l'enfant : soit l'éducation parentale est la plus forte (les valeurs et modèles familiaux sont forts) et l'enfant peut soit rejeter l' éducation scolaire (il s'auto exclut) soit l'assimiler comme culture seconde. Dans les deux cas cela ne se fait pas sans difficultés , sans déchirures et sans drames. L'école ne joue donc pas le rôle  qu'elle devrait avoir dans toute société humaine, celui d'aider l'enfant à s'épanouir intellectuellement et culturellement (école qui inclut). Mais bien au contraire elle fabrique une série d'obstacles artificiels, avec pour conséquence des difficultés sans nombre qui en fin de compte cassent l' enfant et interdisent son véritable épanouissement.
L'école  au lieu d'être la voie royale qui permettrait l'épanouissement optimal de l'enfant (le plus que la famille ne peut pas apporter pour x raisons , l'ouverture sur les autres) devient une course d'obstacles que l'enfant devra contourner, des problèmes qu'il devra résoudre souvent seul. S'il se sent fort et qu'il est épaulé, il peut triompher après mille et mille souffrances  psychologiques . S'il est faible (milieu parental  à problèmes , solitude de l'enfant), soit l'école l'exclut (l'école à la Réunion est un des principaux vecteurs de l'exclusion scolaire : ce qui est en soi un paradoxe, mais qui ne l'est plus dans une réalité coloniale ). Soit il doit se montrer très fort pour arriver, pour réussir. L'école à la Réunion telle  qu'elle a été conçue et développée est bien et reste une école coloniale qui fabrique de l'exclusion et permet au système colonial de perdurer. C'est un corps étranger dans cette réalité réunionnaise faite  d'une culture et d'une histoire que l'école gomme. Cette réalité de l'école comme corps étranger  est encore plus clair par le fait que les acteurs de cette école  (le personnel de l'éducation à la Réunion) est souvent étranger à cette réalité et "surrénuméré". Ce qui les isole souvent du reste de la population. Les enseignants à la Réunion loin d'être « les hussards noirs de la république » (avec toutes les déviances que cette conception a pu produire sur le sol de la république française ) sont souvent  les missionnaires du néo-colonialisme français.