samedi 1 juillet 2017

Réflexion sur le concept d'identité créole

Pour nourrir votre réflexion sur le concept d'identité et essayer de donner une réponse à la question « qui sommes-nous ? », Vous trouverez ici une partie de la communication d'Edouard GLISSANT , Lors du colloque international organisé à Pointre -à-pitre le 11-13 décembre 1989 par le comité de la culture, de l'éducation et de l'environnement de la Guadeloupe en collaboration avec les C.C.E.E de Guyane , de Martinique et de la réunion sous l’égide du conseil régional de la Guadeloupe sur le thème :« Identité, culture et développement».

Pour mémoire Édouard Glissant est cet écrivain Martiniquais qui est né le 21 septembre 1928 et décédé à Paris le 3 février 2011. Cet Écrivain, poète ,essayiste et universitaire est le créateur des concepts :d'antillanite, de créolisation et de « tout -monde »,tandis qu'aimé Césaire, Martiniquais lui aussi (1913-2008), forge le concept de «négritude». Il était à l'époque de ce colloque responsable du département "études françaises " a l'université de Bâton-Rouge (Louisiane). Dans cet extrait de sa communication A ce colloque il donne sa définition de l'identité.

"D'abord, les problèmes d'identité. J'oppose la conception de l'identité–racine à celle de l'identité– relation. La première nous a été fournie toute armée par l'Occident, la seconde résulte de notre histoire. La racine est unique, c'est une souche qui prend tout sur elle et tue alentour. On lui a opposé, en particulier Gilles Deleuze et Félix Guattari,le rhizome qui est une racine démultipliés, étendue en réseau dans la terre ou dans l'air, sans qu'une souche y intervienne en prédateur irréparable .la notion d'identité–relation maintient donc L'idée d'enracinement mais récuse celle d'une racine unique et totalitaire. C'est un des vecteurs de ce que j'appelle une politique de la relation, où se résume quelques un de nos apports a l'enlèvement mondial , Et selon laquelle tout principe d'identité s'étend désormais dans un rapport à l'autre. Toujours aussi schématiquement, si nous résumions ce que nous savons des variantes de l'identité , Nous obtiendrions peut-être ceci, que je suis prêt à discuter avec vous : l'identité racine, Celle que l'Occident a essayé de nous transmettre sans vérification, est lié à une vision, un mythe de la création du monde ; est sanctifiée par la violence cachée d'une filiation qui en découle (c'est- à-dire , de cette création même) avec rigueur ; été ratifiée par la prétention À la légitimité, qui permet à une communauté de proclamer son droit à la possession d'une Terre , qui ainsi deviensterritoire ; est prolongée par la projection de ce territoire sur d'autres terres possibles, qu'il devient ainsi légitime de conquérir.

La pensée occidentale a procédé de la sorte d'une manière linéaire et projetante, et a confondu dans un même mouvement les conquêtes de la pensée et les découvertes de territoires, les découvertes de la science et les conquêtes de la colonisation. l' identité relation, au contraire est liée, non pas à une création du monde, mais à une expérience des contacts entre cultures ; est donnée dans la trame de la relation et non pas dans les violences cachees de la filiation ; ne conçoit donc pas la légitimité comme garantie de son droit, mais circule dans une étendue nouvelle ; ne se représente pas une terre comme un territoire, d'où on projette vers d'autres territoires, Mais comme un lieu où on "donne avec" au lieu de "com-prendre".

La conception d'une identité–relation, par quoi nous échapperions aux intolérances dont nous avons hérité passivement de l'Occident, nous permet par exemple de frapper de caducité la vaine question de la légitimité de la propriété de la terre antillaise. La terre antillaise n'est pas un territoire,c'est une terre rhizomee ,d'où se fonde un rapport nouveau : non pas l'absolu sacralise d'une possession ontologique, mais la complicité rationnelle fondée sur la souffrance. Ceux qui ont souffert le rapport à la terre , qui s'en sont méfies peut-être ,qui ont peut-être tentede la fuir pour oublier leur esclavage, ont commence d'entretenir avec elle des rapports nouveaux de complicité, ou la vieille idée de la légitimité, et l'intolérance sacrée de la racine unique,n'avaient pas part».

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